Nina Mallevaey, la finesse et la discrétion faites championnes (2/2)
Elle a 25 ans, une équitation très classique, une monte en-avant impulsive et gagneuse, une classe naturelle qui saute aux yeux, mais elle reste discrète, naturelle et modeste. Elle a commencé chez elle, près de Lille, où son père avait quelques boxes au bout du jardin. Et, bien vite, tombent des médailles européennes, chez les children et les poneys. Passée à 18 ans dans les écuries Chev’el de Jeanne Sadran, où Éric Louradour et Julien Épaillard la conseillent, à 21 ans dans celles d’Éric Lamaze, à cheval sur deux continents, elle a par la suite profité des conseils de Laura Kraut et Nick Skelton et aujourd’hui d’Helena Stormans, elle est d’une grande maturité. Après de bons débuts en Coupes des Nations 5* en 2024 (Hickstead et Dublin) et à Ocala, en mars, c’est la gloire ! À Rome, où elle était double sans-faute dans la Coupe des Nations avec Nikka vd Bisschop et 3e du Rolex Grand Prix avec Dynastie de Beaufour, et à La Baule, où elle était la meilleure Tricolore dans la Coupe sur Dynastie et dans le Grand Prix (une faute) sur Nikka, elle qui est de surcroît devenue championne de France à Fontainebleau, a encore bluffé tout le monde. Rencontre à La Baule, entre deux parcours. Un beau moment avec celle qui allait encore gagner une belle épreuve et se classer 5e du Grand Prix d’Aix-la-Chapelle.
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Vous avez alors eu de bons coaches, Julien Épaillard, Éric Louradour ?
J’ai d’abord eu Éric Louradour, qui m'a beaucoup apporté. Chez moi, je montais souvent toute seule et je n'avais pas de regard extérieur pour corriger tous mes petits défauts. Il m'a donné de bonnes bases, ce qui est capital. Et après, on a eu Julien, qui nous suivait beaucoup et faisait des concours avec nous. C’était idéal d'aller dans cet ordre-là et tous deux nous ont apporté énormément. Je devais participer aux championnats d'Europe -21… en 2021. Je suis venue ici à La Baule pour préparer ça, c'était mon premier 5* et Virtuose était sans faute dans la 150, mais il s'est blessé dans la qualificative pour le Grand Prix. Je me souviens d’ailleurs que Philippe Guerdat m’avait consolé et dit de persévérer, que je retrouverais un bon cheval. C’était un peu la fin d’un cycle et nous avons discuté avec la famille Sadran de la suite, on pensait tous que je devais aller à l’étranger. Je suis allée au concours de Knokke, qui n’est pas très loin de chez mes parents, et j'ai vu Stephan Conter, qui m'a conseillé d’aller voir Éric (Lamaze), afin de travailler chez lui, car il montait de moins en moins et avait beaucoup de chevaux. Un bon conseil! Stephan m’a ouvert une porte et ça s’est fait. Du coup, j'ai rencontré la famille Rein, qui était propriétaire de beaucoup de chevaux d’Éric. Ceux-ci étaient basés l’été en Belgique, à Écaussinnes, et l'hiver trois ou quatre mois en Floride, à Wellington. Je faisais plutôt des 2* ou 3*, puis la famille Rein a investi dans une équipe pour le Global, et j’ai donc fait du 5*, notamment avec Chacco Kid, j’ai gagné une qualificative à Miami et j’étais 2e à Mexico. Mexico, c’était un beau terrain, Madrid aussi, Miami c’est moins adapté aux chevaux. Madame Rein, Tara, et sa fille Cassidy tournaient en parallèle dans les 2*.
Aujourd’hui, vous faites plutôt des CSIO 5* et moins de Global ?
Oui la famille Rein a fait ce circuit deux ans, mais aujourd’hui on privilégie les Coupes des Nations et le circuit Rolex. Et elles font aussi les 1 ou 2* de ces concours, comme ici à La Baule.
Et depuis l’an passé, les Rein vous confient plus de cracks, comme Nikka vd Bisschop et Dynastie de Beaufour, qui a sorti un sans-faute au moins dans les Coupes des Nations 5* d’Hickstead et de Dublin en 2024, d’Ocala en 2025, c’est la folle ascension ?
J’ai tout d’abord récupéré Dynastie, le cheval de tête de Valentin Besnard, et l’été dernier Nikka, qui fut montée par Beth Underhill (7e du GP de La Baule en 2023) et a disputé les JO de Paris avec Erynn Ballard. C’était l’objectif, qu’elle monte la jument aux Jeux pour le Canada et il était plus ou moins convenu que je la récupère ensuite. Erynn n’aurait pas pu monter chez eux, tandis que moi, je suis salariée par eux et les monte toujours sur place.
Du coup, ça ne les gêne pas que vous montiez à l’avenir leurs cracks pour la France ?
Non, c’est eux qui l’ont proposé, heureusement pour moi ! On a laissé Nikka tranquille après les Jeux, et je n'ai recommencé à sauter qu’en décembre et en concours à Wellington, en janvier. Mais Nikka est la première que j'avais montée chez Éric. Je l’avais dans les 8 ans à Bruxelles, en 2021, pour mon tout premier concours chez Éric. Je l'avais montée pendant 6 mois, c'est une jument très attachante, mais je comprenais aussi totalement que les Rein voulaient la voir sous couleurs canadiennes. J’étais la seconde, là pour préparer les chevaux et savoir me retirer.
Aujourd’hui, d'avoir les chevaux de tête et de devenir l'espoir de toute une écurie, ça change beaucoup mentalement ?
Heureusement, je suis quelqu'un de très calme, assez posée et pas stressée. J’ai conscience de la chance que j'ai d’avoir de tels propriétaires, je peux faire les plus beaux concours avec des chevaux incroyables, et dans ma tête, je le vis bien.
Ça se voit ! Alors justement, vous débarquez à Rome, dans un cadre paradisiaque, on est comme dans un film, qu’est-ce qu’on se dit alors ?
Que c’est magique ! J'en ai rêvé des concours comme ça, des plus beaux concours Rolex, des endroits mythiques, prestigieux, des pistes magnifiques, une atmosphère incroyable. Je regardais les vidéos et ça donne des frissons quand on voit les autres là-bas.
Vous qui avez fait deux saisons de Global Tour, ce n'est quand même pas le même sport.
C'est est une toute autre approche du sport. Rome, La Baule, Aix-la-Chapelle, Calgary, Genève, ces concours, ces noms, parlent d’eux-mêmes. Tout l'environnement, le public, le décor, les pistes, tout y est magnifique. Il y a de grandes pistes, c'est beau et c’est bien pour les chevaux. C’est tellement plus d'émotion de monter des pistes comme ça. Tout est idéal pour les chevaux. Les concours éphémères ne sont pas forcément adaptés.
Actuellement, vous êtes basée à Valkenswaard, au sud des Pays-Bas, dans les écuries d’Athina Onassis ? Qui s’occupe de vous ?
Oui, Athina n'est pas là, mais la famille Rein loue cette année ses écuries. Le stable manager est Sean Lynch (l'ancien groom de Daniel Deusser, ndlr), mon groom Quentin Lesaint. C'est un super groom français de 23 ans, très courageux, passionné et travailleur.
Et votre coach, après Nick Skelton et Laura Kraut (deux ans), est Helena Stormanns (ex-Dickinson et ex-Weinberg). Saviez-vous qu’elle avait remporté le GP de Rome en 1988 avec Just Malone ?
Elle me l'a dit à Rome, je ne le savais pas. Elle m’entraîne depuis février, c'est récent. Avant cela, j’étais avec Nick et Laura, qui m'ont apporté énormément et que j’apprécie beaucoup. Ils m'ont fait évoluer, m'ont donné leur expérience.
Si vous deviez dire en deux mots ce que Éric, Nick et Laura et aujourd’hui Helena vous ont apporté le plus ?
Éric la niaque et la confiance en moi, de rentrer en piste et de se donner à fond, il nous transcendait, rien n'était impossible pour lui ! Nick et Laura m'ont apporté un système, j’étais suivie tous les jours. On était basés au même endroit, à Peelbergen, aux Pays-Bas, on les voyait évoluer aussi. Helena est quelqu'un d'extraordinaire. Elle nous apporte du temps, en tant que cavalière, et comme personne humaine, elle a beaucoup de valeurs. Elle est là tout le temps et elle est très positive. Et, par-dessus tout, j’ai la chance d’être généreusement aidée par la famille Rein.
Propos recueillis par Alban Poudret
Cette interview est parue en p. 18 à 21 du numéro de juillet. Toute reproduction des textes et photos, même partielle, est interdite sans l’autorisation de l’éditeur.