En compétition, Rafael Soto était aussi apprécié pour son charisme et son enthousiasme, comme ici aux Jeux d'Athènes en 2004, à l'issue de sa reprise mémorable sur son étalon Invasor. © Jacques Toffi En compétition, Rafael Soto était aussi apprécié pour son charisme et son enthousiasme, comme ici aux Jeux d'Athènes en 2004, à l'issue de sa reprise mémorable sur son étalon Invasor. © Jacques Toffi

Rafael Soto : « Nous avons montré au monde que nous pouvions faire partie des meilleurs. »

À l’entrée du Centre équestre des Kà à Vuadens/FR, juste avant de franchir la porte du manège, l’ambiance est déjà toute posée : Sur un fond de musique classique – comme un souffle méditatif en toile de fond – la voix de Rafael Soto résonne pour encourager une élève, en selle sur un hongre aux allures élégantes, dont le père n’est nul autre que le crack de dressage Totilas : « Laisse-le s’exprimer dans son allongé ! » En entrant, le ton est très vite affirmé : calme, mais rigoureux et précis. À l’issue de deux journées de cours, le cavalier olympique espagnol revient sur l’évolution du dressage dans son pays, et de ses chevaux de cœur : les ibériques.

En cloture d'un week-end de stage bien chargé, c’est à l’ombre d’un arbre, dans la cour de l’écurie, que Rafael Soto nous accorde un moment d’échange. Et s’il est bien une question que l’on brûle de lui poser – à lui, triple olympien, médaillé par équipe et figure respectée du dressage mondial – c’est son regard sur l’évolution de la discipline. Car il y a 30 ans, lorsqu’il faisait ses premiers pas en international, l’Espagne n’en était qu’aux prémices de sa présence dans le haut niveau.

Nous remontons à l’aube des années 90, et avant que l’écuyer ne défende les couleurs de son pays en piste internationale, le niveau le plus haut de dressage en Espagne s’arrêtait au... St-Georges ! « Nous n’avions pas de Grand Prix avant 1994 », se souvient-il. Il a alors été le tout premier cavalier à remporter le championnat national avec son étalon andalou Flamenco. Titre qui lui a valu une qualification pour les championnats d’Europe dès l’année suivante. La machine était alors lancée : de ces débuts pionniers jusqu’aux Jeux d’Athènes en 2004 dix ans plus tard, où l’Espagne s’est définitivement imposée parmi les grandes nations en décrochant une médaille d’argent par équipe, l’écuyer a activement participé à l’essor du dressage ibérique.

En suivant les codes espagnols

Une progression construite non pas en suivant les standards européens, mais en restant fidèle à une tradition équestre propre : chevaux, codes et culture espagnols. « Pour moi, croire que le cheval espagnol a la qualité suffisante pour faire des choses solides et difficiles telles que le demandent les compétitions internationales de dressage... C’était un rêve ! », se souvient le cavalier passionné, avant de continuer : « On doit avoir un cheval avec beaucoup de qualité pour ce type de compétition. Mais le cheval ibérique a montré qu’il pouvait être à la hauteur. »

Il explique alors qu’à cette époque, l’ibérique avait beaucoup plus de chance d’être élégant et léger qu’un cheval européen dans un Grand Prix. Pourquoi ? Tout bonnement par sa facilité déconcertante à réaliser un passage, piaffé ou pirouette. « L’ibérique est très doué pour ces figures, et avec ça, on faisait la différence en compétition. On a montré au monde que si l’on choisit bien un cheval et surtout si on l’éduque bien, on peut faire partie des meilleurs. Et on l’a fait. »

Une évolution fulgurante

Ils l’ont fait, c’est certain. Rafael Soto, qui à 15 ans était admis comme élève à l’École Royale Andalouse d’Art Équestre de Jerez, fondée en 1973 par Alvaro Domecq, uniquement pour la période hivernale, s’est finalement vu offrir bien plus : une carrière jusque sur les plus grandes pistes du monde. On trouve d’ailleurs encore sur YouTube sa sublime reprise des Jeux olympiques d’Athènes en 2004, sur son célèbre étalon Invasor, avec lequel il décrochait la 8e place en individuel et l’argent par équipe.

Aujourd’hui, l’ancien écuyer en chef de cette même école – il a pris sa retraite il y a déjà trois ans ! – continue de participer au haut niveau sous une autre casquette : celle d’entraîneur national de l’équipe espagnole. « En tant qu’entraîneur, je vois beaucoup de choses en concours qui ont changé, par rapport à l’époque où je montais ces mêmes épreuves », analyse l’écuyer de 68 ans. L’une de ces évolutions majeures l’a frappé dès les Jeux de Rio, en 2016 : « Je pense qu’aujourd’hui, les notes sont moins sévères qu’avant », commence-t-il. À son époque, 

seules les notes entières étaient admises chez les juges. Puis sont venus les demi-points, qui ont bous- culé les règles. « Ça change beaucoup. Par exemple, un cavalier que j’au- rais noté à 72% à l’époque d’Athènes atteindrait aujourd’hui un bon 74% avec ce système », explique-t-il. Et de souligner l’impact de cette évolution : « À Athènes, nous avons décroché la médaille d’argent par équipe avec un 75%, un 73% et un 71%. Aujourd’hui, ce même résultat nous placerait peut-être juste dans le classement, mais plus sur le podium. Pour viser l’or désormais, il faut au moins deux chevaux à 80% en Grand Prix, et un troisième pas très loin derrière. »

Une tradition à perpétuer

Il y a l’évolution de la discipline en soi, bien sûr. Mais il y a aussi celle du modèle du cheval. Un temps, les chevaux ibériques avaient un certain avantage sur les autres chevaux de sport européens, comme évoqué plus haut. Puis, peu à peu, cette avance s’est estompée. « L’évolution du cheval de sport a été plus facile que celle des chevaux ibériques ou lusitaniens. La raison est simple : pour le cheval de sport, on peut croiser tel ou tel étalon selon les qualités recherchées, sans trop de contraintes. Le choix est vaste, on peut affiner la sélection pour le cheval européen. Nous, nous devons maintenir la pureté de la race espagnole, ce qui est plus compliqué », explique-t-il. Et quand on lui demande si son fidèle Invasor aurait encore sa place aujourd’hui en Coupe du monde face aux géants allemands, il déclare, le regard vers l’horizon et avec une pointe d’émotion dans la voix – nostalgie, fierté, ou peut-être les deux ? : « Invasor serait aujourd'hui encore un très grand cheval. » 

Julie Queloz

Cet article est paru en p. 30-31 du numéro de septembre. Toute reproduction des textes et photos, même partielle, est interdite sans l’autorisation de l’éditeur.


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