Cathrine Laudrup-Dufour sur la magnifique piste des Jeux de Paris 2024 avec Mount St John Freestyle. © Benjamin Clark-FEI Cathrine Laudrup-Dufour sur la magnifique piste des Jeux de Paris 2024 avec Mount St John Freestyle. © Benjamin Clark-FEI

Cathrine Laudrup-Dufour : « Je n'aurais jamais imaginé pouvoir reprendre les rênes d'un cheval déjà formé. » (2/2)

Elle a frôlé de peu la médaille d’or lors des derniers championnats d’Europe de dressage, fin août à Crozet-Jiva Hill, détrônée de justesse par le Belge Justin Verboomen. La cavalière danoise n’en signe pas moins une nouvelle performance d’exception avec deux médailles d’argent, portant à 7 son total de médailles européenes individuelles. L’actuelle n° 3 mondiale — passée pour la première fois en tête du classement en mars 2025 — confirme sa suprématie, toujours avec cette équitation fine et légère qu'on lui connait, qui fait d'elle un modèle pour beaucoup de passionnés.

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Vous avez récupéré Mount St John Freestyle, qui fut la jument de Charlotte Dujardin et avec laquelle vous terminez votre deuxième saison. Qu’a-t-elle apporté à votre carrière ?
Elle m’a certainement apporté beaucoup de confiance. Je n’aurais jamais imaginé pouvoir reprendre les rênes d’un cheval déjà formé. C’est un exercice complètement différent : j’ai toujours eu l’habitude de développer mes chevaux depuis leur plus jeune âge, et c’est ce que j’aime faire le plus, encore aujourd’hui. Je me sens vraiment chanceuse d’avoir l’opportunité de monter Mount St John Freestyle — quelle jument incroyable ! On sent qu’elle a été éduquée par une cavalière extrêmement talentueuse, mais aussi très différente de moi dans son équitation. Il a donc fallu du temps pour que nous nous trouvions vraiment.

Elle a 16 ans et n’est plus toute jeune désormais. Quel avenir imaginez-vous pour elle ?
Disons que... nous avions déjà la finale des Européens à Jiva Hill en ligne de mire, c’était une échéance importante pour nous ! Au-delà de ça, j’espère simplement pouvoir la garder en forme et en bonne santé aussi longtemps qu’elle aura envie de concourir. Tant qu’elle se sent bien, tant qu’elle prend du plaisir en entrant sur la piste, je continuerai la compétition avec elle. Comme je l’ai dit, mon objectif est de la mainte- nir dans la meilleure condition possible — et en ce moment, elle se sent mieux que jamais. Alors j’espère que nous pourrons encore partager quelques saisons ensemble.

Quand vous formez un cheval pour le haut niveau, à quel moment sentez-vous que vous avez franchi un cap et que vous pouvez commencer à viser les plus grandes compétitions mondiales ?
C’est différent pour chaque cheval. Certains sont prêts très jeunes, d’autres beaucoup plus tard. Avec Cassidy, je crois que nous avons fait notre premier Grand Prix quand il avait 12 ans, et notre première vraie grande saison bien plus tard encore ! Certains chevaux ont simplement besoin de plus de temps, alors qu’un autre sera prêt pour ce même niveau à 8 ans. J’essaie donc de respecter le rythme propre à chacun de mes chevaux, et de les former à la vitesse et au tempo qui leur conviennent.

L’harmonie entre le cavalier et le cheval est aujourd’hui au cœur du dressage. Comment aimeriez-vous que cette discipline soit perçue de l’extérieur ? Il arrive parfois qu’on entende dire que le dressage en fait trop, ou qu’il n’est pas bon pour le cheval, etc...
J’espère que, surtout après les championnats d’Europe à Jiva Hill de cet été, et à travers le style de monte du vainqueur Justin Verboomen, mais aussi du mien, on pourra voir ce qu’est réellement le partenariat avec son cheval. C’est une communication assez subtile : on n’utilise pas beaucoup notre corps, nos aides sont très légères, et on essaie de communiquer à un niveau plus profond qu’en se contentant de tirer sur les rênes. C’est ainsi que Verboomen, et moi aussi, entraînons nos chevaux, et pour moi, c’est l’avenir. Cette communication légère, presque invisible, donne l’impression d’un lien entre les deux cœurs, d’être sur la même longueur d’onde. Il ne s’agit pas de les forcer à faire quelque chose. Nous communiquons vraiment avec notre corps, avec nos émotions, et c’est ce que j’aimerais faire ressentir au public et à tous ceux qui suivent la discipline.

Pensez-vous que le dressage évolue aujourd’hui vers une discipline qui prend davantage en compte le bien-être global du cheval qu’il y a quelques années ? 
Peut-être que, globalement pour le sport, c’est le cas, mais pour ma part, j’ai l’impression que c’est quelque chose qu’on m’a enseigné depuis mon enfance. Il s’agit du bien-être du cheval, d’être avec le cheval, pas de l’obliger à faire quelque chose. Il doit y avoir cette commu- nication invisible. Pour moi, le dressage a toujours été une forme de danse, presque un ballet, et c’est cela que je souhaite montrer. Ce n’est pas seulement une discipline sportive où il s’agit de faire toujours plus. Il s’agit de trouver le juste équilibre, cette petite part d’harmonie parfaite.

Vous produisez beaucoup de contenu sur les réseaux sociaux. Quelle importance accordez-vous à cette communication ?
La raison pour laquelle j’ai commencé les réseaux sociaux, c’est que quand j’étais jeune, je n’avais pas ceci... par exemple je ne comprenais pas comment Isabell Werth, mon idole, avait pu devenir aussi incroyablement douée, comment elle s’entraînait et s’organisait chez elle, dans ses écuries ! J’ai donc commencé ces réseaux sociaux pour offrir un petit aperçu de mon quotidien. Utiliser le fait que je sois l’une des meilleures cavalières du monde pour donner la possibilité aux gens de jeter un œil sur la vie de tous les jours, sur ce qu’il se passe chez nous à la maison. Par contre, il y a quelques années, il était facile, lors des concours, de voir les imperfections chez le cheval et le cavalier, en live, sans que cela ne fasse de gros échos. Mais aujourd’hui, c’est plus compliqué, car on a peur d’être critiqué pour tout et n’importe quoi. Les vidéos sont reprises, analysées, dénoncées sur ces réseaux...

Justement, quel est votre avis sur la montée de ces polémiques autour du dressage sur les réseaux sociaux ?
Je pense que, d’un côté, c’est positif, car cela met un peu plus l’accent sur le bien-être des chevaux et permet de rectifier ce qui n’était pas correct. Mais en même temps, c’est compli- qué. Rasmine, ma femme, et moi, faisons tout chaque jour, chaque semaine, chaque heure, pour offrir la meilleure vie possible à nos chevaux. Nous mettons toujours les chevaux en priorité, toujours. Alors, être accusé d’abus ou de mal interpréter nos chevaux est difficile, car toute notre vie tourne justement autour de leur bien-être.

Vous êtes devenue maman il y a quelques mois d’une petite Palma, félicitations ! Comment conciliez-vous ce nouveau rôle avec le sport de haut niveau ?
J’ai une femme incroyable ! C’est grâce à elle que tout peut rester équilibré. Par exemple, elle s’occupe d’elle durant les nuits pour que je puisse monter tranquillement en matinée, et ensuite je l’aide l’après-midi. Elle est aussi un soutien extraordinaire : elle vient aux entraînements du matin avec Palma, et je les regarde depuis le bord de la piste... C’est vraiment grâce à Rasmine que je peux faire tout ça. Ces derniers mois, en pleine saison de concours, ont été bien chargés avec un tout petit bébé, et j’ai hâte que la saison touche à sa fin ! Comme ça, je pourrai m’occuper d’elle et Rasmine pourra enfin souffler un peu.

Vous gérez une nouvelle écurie depuis 2021 à Fredensborg (40 km au nord de Copenhague), vous concourez, vous élevez un enfant... Est-ce que tout cela vous aide à trouver un équilibre dans votre vie, ou est-ce une source de pression ?
La compétition est toujours une source de pression pour moi ! Pour être honnête, j’adore rester à la maison. Je suis quelqu’un de casa- nier et j’aime ma routine quotidienne, j’aime que chaque jour se ressemble. Partir en concours n’est donc pas vraiment mon truc. Bien sûr, c’est fantastique à vivre sur le moment ! Mais j’ai toujours hâte de retrouver mon chez moi. J’aime tout simplement notre vie à la maison, c’est là que je trouve mon vrai équilibre.

Propos recueillis par Julie Queloz

Cet article est paru en p. 6-8 du numéro de novembre. Toute reproduction des textes et photos, même partielle, est interdite sans l’autorisation de l’éditeur.


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