Donatello d'Auge (avec la couverture) et l'une de ses fiancées. Le hongre passe le plus clair de son temps au paddock avec les « filles ». Julien n'intègre dans son piquet que des chevaux de 8 ou 9 ans au moins, sortant déjà en Grand Prix 3*, dont les propriétaires pensent qu'ils peuvent « passer un cap ». © Céline Gualde Donatello d'Auge (avec la couverture) et l'une de ses fiancées. Le hongre passe le plus clair de son temps au paddock avec les « filles ». © Céline Gualde

Julien Épaillard : « Les chevaux doivent avoir une vie sociale, les miens sont parfois dix dans le même champ » (3/4)

La Suisse a souri à Julien Épaillard, vainqueur de la finale Coupe du monde de saut d’obstacles le 6 avril dernier à Bâle avec le crack Donatello d’Auge, élevé par son épouse Susana. Cavalier surdoué, le Français est surtout un libre penseur qui aime mener ses expériences – déferrer ses meilleurs chevaux et les mettre au pré en troupeau par exemple. Un horsemanship inspirant à découvrir dans la troisième partie de ce reportage au Haras de la Bosquetterie.

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On observe qu’à chaque nouveau cheval reçu, Julien Épaillard franchit un palier, méthodiquement, tel un alpiniste partant posément à l’assaut d’un sommet de huit-mille mètres. Son sacre à Bâle avec Donatello d’Auge en est une démonstration. Julien Épaillard était en tête après la première épreuve. Il a pris la décision de ne pas participer au barrage le deuxième jour afin d’économiser Donatello « qui n’a pas la dernière énergie ». Un scénario inédit. « Avec une jument comme Dubaï j’aurais fait un autre choix car lui faire sauter le barrage m’aurait au contraire aidé à canaliser sa fougue lors de la finale. À Bâle, pour avoir une barre d’avance, il aurait fallu que je sois dans les deux premiers du barrage, j’aurais entamé le capital de Donatello. De plus j’étais parti en dernier et Martin Fuchs, par exemple, avait un temps de récupération bien supérieur au mien... Ce n’était pas un choix audacieux de ma part, faire l’inverse aurait été stupide. Ce calcul mathématique s’est avéré payant mais je ne regretterais pas mon choix même si j’avais fait deux fois quatre points le dimanche ! » Ce qui ne s’est pas produit puisque le couple français a triomphé, reprenant le flambeau de Bruno Broucqsault et Dileme de Cèphe, les premiers et seuls tricolores à avoir jusqu’alors remporté la Coupe du monde... en 2004. 

Julien Épaillard considère cette victoire comme « un accomplissement. C’est mon premier gros titre individuel et il récompense la motivation de toute notre équipe, composée d’une quinzaine de personnes au Haras de la Bosquetterie. La Coupe du monde est vraiment un circuit comme je les aime, qui me fait rêver. Je le suis depuis que je suis très jeune. Ma mère m’avait emmené à Paris-Bercy, où nous avions vu gagner John Whitaker et Milton ! Remporter la finale 2025 avec un cheval que nous avons élevé Susana et moi, c’est ma plus belle réussite sportive ». 

Julien Épaillard a probablement engrangé des milliers de victoires en trente ans de carrière. « Aujourd’hui cela m’intéresse moins de gagner pour gagner. Ce qui me passionne c’est de viser un objectif impliquant un haut niveau de pilotage, de ressentir cette pression géniale propre aux championnats. J’ai moins de chevaux qu’avant, donc je passe plus de temps avec chacun d’entre eux et c’est très valorisant. Je me focalise sur la construction d’un cheval en vue d’un certain objectif.» 

Pour les chevaux, « le retour à des choses simples » 

Partenaires des ambitions de leur cavalier, Donatello d’Auge et ses collègues ont un mode de vie original pour des chevaux de leur valeur. Ils passent le plus de temps possible au pré et en groupe. Une organisation en vogue chez certains Britanniques, mais qui effraie la plupart des cavaliers par peur des accidents... « Les chevaux doivent avoir une vie sociale et ils sont parfois dix dans le même champ, explique Julien. Ils vont au pré aussi longtemps que possible si les circonstances s’y prêtent : en hiver s’il fait froid et qu’il y a de la boue c’est moins le cas. Ils peuvent aussi dormir dehors en été et rentrer durant les heures chaudes, on s’adapte. Depuis que j’applique ce système je n’ai eu que deux accidents dont une fracture de la mâchoire, mais si je fais le ratio bénéfices-risques je suis largement gagnant. » 

Donatello cohabite avec des juments, Julien ayant constaté qu’il ne s’entend pas avec les autres hongres. « Il marchait le long de la clôture en fixant les juments au loin et rentrait du paddock fatigué. » Le cheval vainqueur de la finale Coupe du monde veille donc sur un petit harem durant ses sorties. Le jour de notre visite, seule India d’Auge était présente, les autres femelles étant en concours, mais Dona- tello peut avoir une dizaine de donzelles autour de lui. 

Julien Épaillard est très attaché à ce cheval, « passionnant à travailler, très intelligent et qui marche au moral. C’est une merveille au quotidien. En piste on se connaît par cœur, mais à la maison il m’oblige à me remettre sans cesse en question : comment réussir à le garder en condition tout en préser- vant son mental ? Donatello saute très peu à la maison car il se blase vite. S’il a deux concours un peu rapprochés il va surtout faire du paddock, dans le cas contraire j’axerai davantage sur les trottings et le maintien de sa condition physique ». Au Haras de la Bosquetterie la routine est de toute façon de sortir trois fois par jour : sous la selle, au marcheur, sur le tapis roulant ou pour une séance de longe ...

Céline Gualde

Cet article a été publié en p. 4-11 du Cavalier Romand de juin. Toute reproduction des textes et photos, même partielle, est interdite sans l’autorisation de l’éditeur.


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