Omar Al Marzouqi, repéré à douze ans pour les JO ! (2/2)
Aux rênes de l’étalon Enjoy de la Mûre, Omar Abdul Aziz Al Marzouqi fait peu à peu une élégante place sur la scène internationale. Étonnant 21e des Jeux olympiques dans les parcs du Château de Versailles, victorieux des Sires of the World (Mondial des étalons) à Lanaken, 2e de la Coupe des Nations d’Abou Dabi et 23e de la Finale Coupe du monde de Bâle, il porte haut les couleurs de son pays – au sens propre comme au figuré, lui qui était porte-drapeau à Paris. Avant cela, le fin cavalier émirati avait décroché deux médailles aux Jeux asiatiques en 2023 ainsi que l’argent aux JO de la jeunesse de Buenos Aires en 2018. Grâce à Al Shira’aa, les écuries de la Cheikha Fatima Bint Hazza Bin Zayed Al Nahyan, le jeune prodige peut viser les étoiles. Cette dernière lui a offert une formation complète d’homme de cheval et lui met plusieurs cracks à disposition. Entre deux éclats de rire, le cavalier de 22 ans se confie sur son parcours, son sublime selle français et ses valeurs.
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Comment fonctionne la collaboration avec Al Shira’aa, qui soutient des cavaliers, sponsorise de beaux concours et élève des chevaux, demi-sang et arabes ?
J’ai été repéré par Al Shira’aa à l’âge de douze ans. C’était un programme pour la jeunesse, Cheika Fatima voulait faire une équipe juniors avec les Jeux olympiques en ligne de mire. Elle a choisi cinq ou six children. Elle ne nous a pas seulement mis des chevaux à disposition, on a eu des entraîneurs, du horsemanship et du soutien. Elle ne nous pousse jamais et elle est toujours contente de ce qu’on a fait. On a aussi eu des jeunes chevaux à former, ce que j’aime beaucoup, on a dû faire les écuries, panser les chevaux, une éducation complète donc. On a fait des Coupes des Nations en Europe et elle a aussi formé une équipe de Grand Prix. Les juniors qui étaient assez bons ont pu la rejoindre. Aux Jeux, il y avait un autre cavalier formé depuis les débuts par Al Shira’aa, c’était donc très émouvant pour elle.
Qu’en est-il de votre entraîneur William Funnell (champion d’Europe par équipe en 2013, quintuple vainqueur du Derby d’Hickstead et époux de la championne de complet Pippa, ndlr), coach de l’équipe depuis 2023 ?
Il connaît le sport et ce qu’il faut faire, il a aussi beaucoup de contacts. Il nous aide aussi à construire un état d’esprit qui va dans le sens du cheval. C’est un éleveur qui produit nombre de bons chevaux et ça nous aide beaucoup.
L’élevage vous intéresse aussi ?
Pas tellement, j’aime quand les chevaux ont déjà 3 ou 4 ans. J’ai eu l’occasion de débuter une jument de 4 ans qui saute aujourd’hui 145-150 cm, j’aime les développer.
Mais avoir un mini Enjoy de la Mûre ne vous intéresserait pas ?
Si, ça me traverse l’esprit, je cherche en effet à avoir un autre Enjoy (rires).
Parlons de votre autre atout Chacco Bay, notamment 3e d’une 150 au Saut Hermès…
Il a été choisi par Cheika Fatima quand il avait 2 ou 3 ans. Il a été médaillé d’argent aux championnats du monde des chevaux de 5 ans à Zangersheide. J’ai commencé à le monter l’an dernier et on a de super résultats, il est très constant. J’ai aussi six chevaux qui appartiennent à mon père, et environ six autres à Cheika Fatima.
Pouvez-vous les garder sur le long terme ou est-il prévu qu’ils soient vendus ?
Il est prévu de garder les chevaux de tête, mais de vendre certains qu’on forme. On a aussi des retraités.
Quelles sont vos ambitions ?
Pour cette année, l’objectif sportif était la finale Coupe du monde. J’aimerais désormais faire davantage de Coupes des Nations, en préparation des Jeux équestres mondiaux de l’an prochain et afin de souder l’équipe. J’aimerais monter à Aix-la-Chapelle. On aura aussi les Jeux asiatiques en 2026, puis les qualifications pour les Jeux olympiques en 2027. J’aimerais pouvoir performer à Los Angeles en 2028.
Avec Enjoy de la Mûre ?
Oui, mais j’aimerais préparer la relève pour qu’il soit le deuxième ou le troisième choix.
Les Émirats arabes unis sont davantage pris au sérieux selon vous ?
Oui, depuis deux ans nous avons fait nos preuves. De mon côté, je veux être régulier et porter fièrement les couleurs de mon pays, montrer que nous sommes une nation de sports équestres au plus haut niveau et que le bien-être des chevaux est notre priorité. Nous sommes là parce que nous les aimons. Nous cherchons tous à gagner, mais ce n’est pas la priorité. Pour nous, les Émiratis, les chevaux sont comme des émeraudes, ils sont précieux.
Comment imaginez-vous le futur de notre sport, souvent pointé du doigt ?
Il y a en effet des images qu’on n’a pas envie de voir, comme des chutes, mais aussi des choses qui ne sont pas de notre ressort en tant que cavalier ou organisateur. Il faut s’inspirer des plus grands cavaliers. Ce qui est arrivé à Henrik von Eckermann à Paris était au-delà de tout ce qu’on pouvait imaginer. Mais la première chose qu’il a faite, c’est s’assurer que son cheval allait bien et il l’a flatté. Mon objectif : ne pas être comme eux, être encore meilleur !
Qui sont vos idoles ?
Steve Guerdat, Christian Ahlmann, Ben Maher et Henrik von Eckermann. Ils sont constants et passent du temps avec leurs chevaux. Les cavaliers les observent davantage à l’entraînement qu’en piste, parce qu’il y a beaucoup à apprendre.
Êtes-vous plus à l’aise avec les humains ou les chevaux ?
Les chevaux je crois (rires). Il y a des mauvaises personnes, mais les chevaux ne vont pas vous trahir ou vous tromper (rires). En ce qui me concerne, je considère les chevaux comme des humains, j’essaie de devenir leur ami. Parce que quand on les traite bien, ils donnent tout. Ils ne parlent pas, mais si on les observe suffisamment, on sait ce qu’ils pensent.
Comment vous imaginez-vous dans dix ans ?
Régulier, toujours dans le sport, en train de former des chevaux. J’aimerais être dans le Top 10 mondial un jour.
Vous avez reçu le Raising Star Award de la FEI l’an dernier, qu’est-ce que cela représente pour vous ?
C’est beaucoup de pression, en fait. Tous les yeux sont rivés sur toi et tu n’as pas le droit à l’erreur. Mais c’est chouette que la FEI me l’ait attribué, je crois que je suis le premier Arabe à l’obtenir. Je reçois des questions des jeunes de mon pays, ça les motive.
Pouvez-vous nous parler de votre expérience aux Youth Games ?
C’est marrant, parce que la procédure était la même qu’aux Jeux de Paris. Ça peut nous préparer aux vrais JO. La grosse différence, c’est qu’on nous prête un cheval qu’on n’a jamais monté avant.
Si vous n’étiez pas cavalier ?
Cavalier (rires). Je n’imagine pas ma vie sans les chevaux. Ma maman me dit d’ailleurs qu’on ne me voit jamais, je suis toujours près d’eux.
Votre concours de rêve ?
Le CHI de Genève !
Du tac au tac
Pratiquez-vous un autre sport ?
Non, c’est cheval et Netflix (rires) ! Mais j’aime regarder le tennis.
Une série préférée ?
Prison Break.
Un livre de chevet ?
Je ne lis pas des livres (rires). Mais je lis des articles pour mes études. J’ai aussi lu Arsène Lupin après avoir vu la série.
Qui admirez-vous ?
La famille royale des Émirats arabes unis est très inspirante. Ils font tout pour leur peuple. Cheika Fatima prouve qu’une femme peut avoir du pouvoir et soutenir sa nation (l’aînée de la famille royale est aussi passionnée d’art et de photographie. Elle a elle-même exposé. Elle a aussi créé des fondations culturelles, sportives et féministes dans son pays et a collaboré avec Bulgari, ndlr).
Un plat préféré ?
Les burgers, les pizzas, les plats avec de la viande et du riz. J’aime varier les plats. J’adore le Nutella, je peux manger un pot entier sans m’en rendre compte (rires) et j’ai des chocolats si vous voulez !
Un cheval de rêve ?
Enjoy de la Mûre !
Une destination de vacances ?
Abou Dabi.
Une qualité que vous aimez chez les gens ?
La franchise, qu’on me dise les choses directement.
Propos recueillis par Lena Vulliamy et Elisa Oltra
Cette interview est parue en p. 27 à 29 du numéro de juillet. Toute reproduction des textes et photos, même partielle, est interdite sans l’autorisation de l’éditeur.