Julien Épaillard : « Je m’épanouis dans mon système » (4/4)
La Suisse a souri à Julien Épaillard, vainqueur de la finale Coupe du monde de saut d’obstacles le 6 avril dernier à Bâle avec le crack Donatello d’Auge, élevé par son épouse Susana. Cavalier surdoué, le Français est surtout un libre penseur qui aime mener ses expériences – déferrer ses meilleurs chevaux et les mettre au pré en troupeau par exemple. Un horsemanship inspirant à découvrir dans la quatrième partie de ce reportage au Haras de la Bosquetterie.
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Les chevaux de Julien Épaillard peuvent vivre ensemble car ils sont déferrés, ce qui réduit considérablement le risque de blessures. Le champion pragmatique s’est converti aux « pieds nus » sous l’influence du cavalier Michel Hécart, lorsque ce dernier lui a confié Alibi de la Roque en avril 2019. « En concours j’ai eu un ressenti que je n’avais jamais éprouvé auparavant alors que je monte depuis ma plus tendre enfance. Je me suis donc intéressé à cette méthode qui consiste à redonner une fonction au pied. Mes chevaux sont parfois ferrés en concours, mais ils vivent pieds nus au quotidien. »
En mai 2019, Safari d’Auge remporte une grosse épreuve à Madrid mais se met à boiter. Ses pieds ont toujours été un problème et il a une ferrure compliquée. « En rentrant à la maison je l’ai déferré, mais il boitait toujours. Je l’ai laissé au pré et chaque jour je le faisais trotter en main pour voir s’il était encore boiteux. Quand sa locomotion est redevenue normale je l’ai remis en compétition et il a gagné. Aujourd’hui Safari est à la retraite au pré, pieds nus, et il est droit comme un i ! »
Selon Julien Épaillard, le fait que ses chevaux marchent au pré sans fers a un effet extrêmement bénéfique sur la santé de leurs articulations et de leurs membres. Les pieds sont parés avec beaucoup de « rolling » pour libérer les articulations. La fourchette et la sole du cheval ne sont pas touchées, il trouve appui sur cette sole et non plus sur la paroi du pied. « Les articulations sont libérées, les tendons irrigués par la marche et le résultat est que je n’infiltre plus mes chevaux et qu’ils n’ont quasiment plus de problèmes de jambes. »
Certains ont besoin de temps pour s’habituer à l’absence de fer. C’est un luxe que Julien Épaillard peut s’offrir et leur offrir. « Usual Suspect d’Auge se blessait avec ses fers postérieurs car il croisait les jambes au planer. Il a eu besoin de onze mois pour se sentir bien pieds nus, mais il y a gagné en confort in fine. » Donatello est ferré des postérieurs en compétition – de petites « chaussures » très légères en plastique - sans quoi ses glomes s’irritent, mais Julien lui retire cet équipement lui-même avant le voyage de retour. « Je m’épanouis dans ce système, mais je ne donne pas de leçons aux autres, chacun fait ce qui lui convient ! »
Il est allé jusqu’à suivre une formation afin d’être en mesure de parer ses chevaux lui-même, d’être autonome. « Auparavant je disais volontiers : à chacun son métier ! Mais je sais désormais que personne ne connaît mes chevaux mieux que moi, ni ne sait les écouter mieux que moi. Je suis complètement indépendant. Des vétérinaires et maréchaux podologues viennent toujours au haras bien sûr, mais si demain je me retrouvais sans personne je pourrais me débrouiller seul et c’est une idée qui me plait beaucoup. » L’ancienne forge a été transformée en bâtiment de stockage, signe que Julien Épaillard n’est pas près de revenir en arrière...
Objectif La Corogne !
Après la finale Coupe du monde, Donatello a un autre objectif : les championnats d’Europe, en juillet prochain à La Corogne, au pays de Susana... « Mon cheval me dira s’il peut prétendre à un podium, sinon je n’irai pas », affirme Julien. Il dit que Donatello est un peu « l’enfant de la maison ». Le crack qui contrairement à Caracole et Dubaï, les nobles juments qui l’ont précédé, ne devrait pas partir. « Nous aurions pu vendre Donatello plusieurs fois, mais c’est un cas à part, c’est sentimental. Il reste avec nous et on va essayer de lui donner la plus belle carrière possible. » Jusqu’à gravir peut-être, aux Mondiaux d’Aix-la-Chapelle 2026 ou ailleurs, l’Everest des cavaliers...
Céline Gualde
Cet article a été publié en p. 4-11 du Cavalier Romand de juin. Toute reproduction des textes et photos, même partielle, est interdite sans l’autorisation de l’éditeur.